Inquiétude et peur de recommencer
Dans le nouvel épisode les courbes en pointillé deviennent les droites ininterrompues. Dans chaque groupe, sont établies des règles de passage dans le rang des membres d’honneur. Il n’est pas étonnant que le «bizutage» chez les participants toxicomanes se base sur durée de consommation de drogues, de soit-disant expérience en matière. Victor Malleker sur ses 30 ans consomme depuis 14 ans, soit presque moitié de sa vie, et il l’avoue devant Gleb, ahuri. Victor prétend que dans n’importe quel pays du monde, si seulement il voulait il aurait trouvé un moyen de se procurer d’une dose. Tel un fagot qui cherche sa bourrée… L’Américain Gleb, qui a du mal à formuler ses pensées en russe, sur le fond de ce vieux briscard Victor lui arrive à peine à la cheville.
Anatoly Nesmiyanov, lui aussi, fait partie des toxicos fieffés. À 36 ans, il peut facilement faire des injections aussi bien dans l’aisselle que dans le coup, et peut même sauver des filles épileptiques en crise quitte à se faire ronger les doigts. Tout ça sent un peu les bobards sur des monstres marins atroces racontés par des vieux pirates. Il fait penser à Bayane Chiryanov1 qui a décrit la recherche par un toxicomane des veines cachées profondément sous la peau. Après en avoir trouvé une dans le scrotum, il triomphe ce qui produit sur le lecteur l’effet de terreur existentiel. Anatoly est comme copié des livres de Chiryanov, il est difficile d’inventer un tel personnage.
Le psychologue est sérieusement perplexe : après le traitement, Anatoly n’aura pas à chercher longtemps où enfoncer l’aiguille, il sera pur. Une question se pose : ne va-t-il pas craquer ? Les choses se compliquent d’autant plus que sa conjointe Ekaterina Antipova dépend très fort de lui. Le traitement commun et la période de la rémission ressemble à l’ascension d’une roche où chaque escaladeur dépend autant des brides de ressort enfoncés dans la pierre et de la solidité des câbles, que de son coéquipier qui peut tomber à tout moment. Anatoly peut facilement tomber de ses hauteurs inaccessibles. Une expérience dans ce cas-là est de trop et dangereuse.
Dans le quatrième épisode c’est justement le fait que « tout vient à point à celui qui sait attendre » qui inquiète tout le monde. Le temps s’est arrêté à la clinique, les novices, Ekaterina et Gleb pensent qu’ils vont sortir du projet complètement guéris. Mais les participants qui ont de l’expérience en matière mettent en doute cette certitude : «nous ne nous connaissons plus sans la drogue» - telle est leur raisonnement sur le sujet. Ce qui fait encore plus peur c’est les circonstances dans lesquelles ce genre de discussions se déroule et ce qui les provoque. Il semble que comme dans n’importe quel groupe fermé, isolé du monde extérieur (où les participants sont prêts à tout donner pour une minute sur Internet, pourtant ils sont autorisés de discuter avec leurs proches au téléphone selon les horaires), les participants se transmettent leurs peurs et inquiétudes.
Le leitmotiv de l’épisode tourne autour de deux émotions désagréables : l’inquiétude et la peur. Elles se sont manifestées pour la première fois chez Alex lors de la thérapie de groupe. L’exactitude de termes n’est pas importante, l’authenticité des émotions non plus. Ce qui est important c’est la vague qui a passé de la chambre de l’Italien, qui nie ce genre de peurs, jusqu’à la chambre de Victor Malleker qui ne veut pas craquer après sa réhabilitation. Il est probable que le groupe est envahi par la panique qui s’installe parce que le séjour dans la clinique devient une routine, les participants commencent à avoir plus de temps pour réfléchir sur leur avenir.
À la fin de l’épisode tout le monde souhaite un bon anniversaire à Irina Anisimova qui il n’y a pas si longtemps souffrait de l’incompréhension et isolement. La fête fait partir des symptômes alarmants, dans les toasts laconiques le thème de guérison ne se fait presque plus entendre mais plus souvent le thème du bonheur et de la prospérité. Cette scène symbolise la renaissance. Avec une telle façon d’éviter la routine hospitalière on peut supposer que dans l’épisode suivant un autre participant aura sa dose de sérotonine. Qui pourra s’échapper de sa peur obsessionnelle le temps d’un épisode?
1 Pseudonyme de Kiril Vorobyov, écrivain russe, journaliste, connu pour la publication sur Internet d’un roman sur la vie des toxicomanes de Moscou.
Commentaires:
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Baffet 03.10.2012, 13:54
Les participants du projet ont l’air sain maintenant227 158 -
Catherine 03.10.2012, 13:08
C’est bien qu’ils ont l’inquétude et la peur de recommancer, cela veut dire ils commencent à réaliser toute la menace de drogues.