Fatima Raimkulova
Dès le départ les participants l’ont un peu méprisé en l’appelant provocatrice, surtout parce qu’elle posait des questions qui touchaient des points sensibles. Ensuite les petits malentendus entre le psychologue Fatima Raimkulova et certains participants se sont transformés en un conflit plus sérieux, qui a atteint son apogée pendant la construction du labyrinthe. Aujourd’hui elle raconte les difficultés qu’elle a rencontré et pourquoi.
«Il était très agressif, jusqu’à aller se plaindre au médecin». |
Pourriez-vous raconter comment s’est passée la construction du labyrinthe en général?
- Il y a eu bien sûr des émotions différentes. Premièrement, ils s’y opposaient, parce qu’il fallait travailler. Mais ils n’avaient pas envie de travailler. De plus, il n’y a pas eu la compréhension totale de l’utilité de tout cela, malgré mes explications. Depuis le début du projet ils ont pris l’habitude que tout était tout prêt à leur disposition. On venait, leurs faisait des piqûres, restait pour parler, et là ils devaient fournir des efforts. Ils n’étaient pas prêts de les fournir. Labyrinthe est devenu un modèle réduit d’une société. Ce sont les premiers obstacles qu’ils auraient rencontré après le traitement. C’est le travail sur soi-même. S’obliger de faire quelque chose. Se lever à temps, aller chercher un objet, l’apporter. Ils se sont habitués qu’il y a toujours quelqu’un qui fait quelque chose à leur place.
Qui se révoltait le plus?
- Il y avait une très grande résistance de la part d’Irina. Elle n’est absolument pas habituée à travailler. Elle ne va pas mettre beaucoup d’efforts pour atteindre quelque chose dans sa vie. Elle se laisse porter. Elle a l’habitude de suivre les autres. Victor est très impulsif. Il était très remonté contre moi, agressif, jusqu’à aller se plaindre au médecin. Il est prêt de se défendre, mais s’il y a une force qui fait pression sur lui, il essaiera de la contourner par tous les moyens. Pour tout simplement virer de son chemin ce qui lui gêne. Il est travailleur, mais il met du temps à comprendre. À la fin il a trouvé la façon de s’y prendre. Il fallait juste faire ce qu’on t’a demandé. Accomplir la tâche assignée. Anatoly aussi est sorti de ses gonds à un moment donné, l’ambiance générale a fait son effet. Il s’est emporté, mais s’est maitrisé aussitôt. C’est Anatoly, Andrey et Victor qui ont travaillé le plus.
«Il a dit lui-même qu’il a fait beaucoup de saletés. Certains ont perdu la vie, d’autres ont été en prison à cause de lui». |
Et que pensez-vous des autres participants?
- Alex est un brave garçon. Il lui manque juste de l’assurance. Il a du mal à exprimer et à défendre son point de vue, car il a peur que son opinion sera réfutée. C’est un bon garçon, mais il est comme le cancre de la classe, le maître le fait travailler, et il demande tout le temps : «Pourquoi moi?». Mais il a un très bon cœur. Gleb utilise son charme. Il connait ses avantages. Quand je les ai privés de possibilité de fumer, demandé qu’ils reviennent travailler, Gleb a fait comme d’habitude. Je suis une femme, il est venu me voir et m’a dit: «J’ai mal au ventre». Une autre en voyant son joli visage aurait eu pitié de lui, l’aurait envoyé se reposer. Mais ça n’a pas fonctionné avec moi, il a continué à travailler. Il a même oublié son ventre. C’est en Anatoly que j’ai le plus confiance, il continuera à se battre après la fin du traitement et il y arrivera. Il a dit lui-même qu’il a fait beaucoup de saletés. Certains ont perdu la vie, d’autres ont été en prison à cause de lui. Il se sent coupable. Maintenant il souhaite vivre cette vie dignement.
Les participants ont dit plus d’une fois que vous les provoquiez, est-ce vrai?
- Il y n’a pas eu de la provocation telle quelle. C’est la situation en elle-même qui est devenue provocatrice pour eux. Quand je posais des questions, j’essayais de les découvrir, les faire montrer ce que chacun d’eux représente. Ils créaient des situations provocatrices eux-mêmes et tombaient dans ce piège. Moi, je les ai juste un peu poussés.
«Je ne savais jamais ce qu’il allait arriver après. Ils pouvaient tout simplement refuser de travailler, faire demi-tour et partir». |
Finalement, vous avez réussi à établir un contact avec eux?
- Oui, à la fin du chantier j’ai ressenti du respect de leur part. Ils m’ont même remercié. Pendant la dernière demi-heure de la construction ils étaient comme changés. Ils ont commencé à poser des questions. J’ai pris des coups de soleil sur le visage, parce qu’on se trouvait tout le temps sur un terrain ouvert, et je cherchais la crème solaire. Alors c’est Victor qui me l’a apportée après. Quand ils se sont rendus compte que je m’étais un peu enrhumée, Andrey a demandé de l’antigrippine et me l’a apporté. Ils ont commencé à prendre soin de moi.
Qu’est ce qui les a influencés, à votre avis?
- Simplement au départ ils pensaient que c’était un jeu. À un moment donné la situation était extrêmement tendue, ils étaient en train de partir du terrain; j’ai rappelé aux participants que c’est eux avant tout qui en avaient besoin. C’est pour eux que tout le monde faisait des efforts. Ça les a fait changer d’avis, ils sont revenus. Ils voyaient qu’ils n’étaient pas seuls à travailler, tout le monde travaillait. L’équipe de tournage, tout le camp était mis à contribution! Ils ont même avoués après d’avoir compris que ce n’était pas un jeu, mais quelque chose de très sérieux. Ils étaient témoins que tout le monde travaillait et fournissait de gros efforts.
Et vous, en avez-vous tiré quelque chose d’important pour vous?
- C’était une bonne expérience sur le plan professionnel. J’étais sincère. C’était de l’improvisation tous les jours. Il n’y avait aucun scénario. Je ne savais jamais ce qu’il allait arriver après. Ils pouvaient tout simplement refuser de travailler, faire demi-tour et partir. Il n’y avait pas de confiance au départ. Et je ne savais pas comment ils allaient se comporter. Mais finalement tout s’est très bien passé. Bravo à eux! Quelqu’un d’autre ne l’aurait pas fait du tout.
Commentaires:
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Paul 17.11.2012, 09:11
C’est difficile à travailler pour les anciens toxicomanes, les deux personnes ordinaries pourront le faire pour seulement un jour.226 189 -
Jilbert 15.11.2012, 17:01
Non en vain qu’on dit que les psychologues, sont des psychopathes réels. -
Antoine 14.11.2012, 21:02
Fatima, tu es - provocateur, respect pour la sincérité!